mercredi 6 janvier 2010

LANGAGE ANIMAL

Dans les Andes, ce bien bel animal s'appelle le Quirquincho. C'est une espèce menacée de disparition car les fraternités de danseurs andins qui comptent parfois plus de mille personnes utilisent sa carapace pour la confection de matracas (instrument à percussion). Les musiciens s'en servent aussi pour fabriquer la caisse de résonance de la célèbre petite guitare qui porte son nom.

Si les kallawaya sont réputés pour leur connaissance des plantes, leur pharmacopée ne se limite pas à ce domaine et englobe aussi l'ensemble des règnes de la nature : minéral, végétal et animal. La graisse du quirquincho est utilisée pour le traitement de certaines plaies ouvertes, mais ce n'est pas pour son utilisation pharmacologique que cet animal est célèbre parmi les kallawaya. Le quirquincho est pour eux une créature merveilleuse et magique bien plus utile vivante que morte. C'est la raison pour laquelle certains maestros ont un quirquincho vivant chez eux. Il est généralement placé dans une boite à l'entrée de la maison pour empécher les voleurs et les énergies malsaines d'entrer. Les kallawaya passent pour comprendre le langage du quirquincho, sujet parlant, ainsi que celui de certains autres animaux aux capacités particulières. Cela impressionne toujours le patient, d'être témoin de cette scène surréaliste : la conversation d'un maestro kallawaya avec le quirquincho. L'animal se met à émettre des petits bruits qui donnent réellement l'impression qu'il comprend ce qu'on dit et qu'il répond aux questions. C'est si frappant que certains auteurs ont voulu trouver une explication rationnelle au phénomène. Il doit y avoir un truc quelque part, songent-ils. Dans son livre La Pierre Magique (éd. Juventud, 1950), Gustavo Adolfo Otero raconte que pour faire parler le quirquincho, les kallawaya lui introduisent dans l'anus un petit épi de maïs. Ils appuient ensuite discrètement sur cet épi afin de provoquer les petits bruits qu'émet l'animal. Mais inutile de vous dire que je n'ai jamais rencontré de kallawaya se livrant à de tels stratagèmes et que cette histoire d'Otero, lorsque je la raconte aux kallawaya, les heurte profondément ou les fait rire aux éclats. Les kallawaya n'ont besoin d'aucun truc pour parler avec le quirquincho et en comprendre le langage.
Il semblerait que pour les connaissances techniques que les kallawaya ont du magnétisme et de l'énergie de vie, le quirquincho joue un rôle très similaire à celui qu'avait autrefois le baquet de Mesmer. Il suffit d'imposer le quirquincho sur certaines parties du corps du patient pour que celui-ci soit nerveusement et psychologiquement soulagé. C'est la raison pour laquelle le quirquincho est utilisé dans les cérémonies de dégagement et de purification (limpia). Parfois, lors de cette opération, l'animal peut mourir, ce qui attriste beaucoup son maître.

Une autre utilisation du quirquincho est de type divinatoire ou psychopompe. Cet animal est censé servir d'intermédiaire avec le royaume des morts et il peut aussi deviner ce que l'avenir nous réserve. Si l'on trouve des traces de légendes qui font de lui un agent du diable, le quirquincho est le plus souvent, dans le milieu aymara, considéré comme l'animal du dieu KUNU, qui est préposé à la neige. Les gens des hauts-plateaux andins désignent ce dieu par des expressions imagées : Janqo punchu achachila, "Seigneur au poncho blanc", ou encore : Janqo qawani achachila, "Seigneur à la cuirasse blanche".

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